CHARENTE
Angoulême (jumelée avec Chicoutimi)
Angoulême - Aubeterre-sur-Dronne - Barbezieux-St-Hilaire - Cognac - Confolens - La Rochefoucauld - Londigny - Puymoyen - Saint-Amant-de-Boixe - Brouage - Ile d'Aix - Ile d'Oléron - Ile de Ré - La Rochelle - Marans - Rochefort - Royan - Saintes - Archigny : La ligne acadienne - Châtellerault - Les Ormes - Loudun - Martaizé, Aulnay, La Chaussée - Monthoiron - Poitiers - Roiffé : le château des Eaux-Melles
On ne pense pas toujours à faire escale à Angoulême, capitale de la Charente, et pourtant ... les souvenirs abondent dans cette ville-balcon, perchée sur un éperon entre les vallées de la Charente et de l'Anguienne et jumelée avec Chicoutimi. Découvrons ce pays verdoyant de l'Angoumois, en suivant la promenade des remparts. La vieille ville comptait autrefois plus de dix paroisses à l'intérieur et à l'extérieur des remparts. La plupart des églises ont disparu, mais la configuration de la ville reste la même. Aussi peut-on localiser facilement les quartiers des colons partis pour le Canada au xviième et surtout aux viiième siècle. Une trentaine au total, sur les deux cents colons de l'Angoumois.
Les ancêtres des Romain, Cartier, Morand, Porcheron, Rueux, Dumas, étaient originaires de la paroisse Saint-Martial, située à l'extrémité nord-est de la ville. Un Courrault, un Guillot, un Beauchamp sont nés dans la paroisse Saint- André, au nord de la vieille ville. L'église où ils ont été baptisés a toujours son beau clocher roman attaché à une nef gothique.
En suivant la vieille rue Taillefer, puis la rue du Soleil, nous sommes étonnés de la richesse et de la diversité des styles de construction. À côté de la traditionnelle maison charentaise à trois ou quatre étages, au toit pratiquement plat, couvert de tuiles romaines, des maisons plus basses se glissent sous des toits à pans coupés ornés de lucarnes. Plus loin, de grands porches ornementés donnent accès à des hôtels particuliers du xviiième siècle.
Par la rue Saint-Cybard, nous gagnons la cathédrale Saint-Pierre que nous abordons ainsi sous un très bel angle : sa magnifique tour romane, à six étages ajourés d'arcades en plein cintre ornées de colonnettes, n'est bien visible que de cet endroit. Elle veille sur la cité depuis près de huit siècles et a vu passer bien des évènements ! À commencer par les baptêmes des petits Rey-Gaillard et Potard, alors que l'on n'aurait su imaginer le destin qui les attendait. Quant à la façade de la cathédrale - montage du XIXe siècle, dû à la belle imagination de l'architecte Paul Abadie - elle présente, dans le désordre, les superbes morceaux d'une sculpture romane, de caractère poitevin.
Non loin de la cathédrale, rue de Beaulieu, l'ancienne chapelle des Cordeliers est aussi pour nous une étape intéressante. André Thevet, auteur de la Cosmographie Universelle, qui rendait compte des découvertes de Jacques Cartier, fut moine au couvent des Cordeliers qui jouxtait la chapelle.
Hors les murs, les anciens faubourgs assez pauvres, où des manufactures de papier s'étaient installées dès le xviiième siècle au centre d'un gros quartier ouvrier, ont fourni de nombreuses recrues pour le Canada. La paroisse Saint-Ausone, au pied des murs, à l'ouest, est la patrie des Gautreau. Un Allard, un Ravion, un Bidet, un Bétureau, un Tessier, un Moinet ont également quitté la vie misérable des faubourgs d'Angoulême pour gagner au Canada des cieux qu'ils espéraient plus cléments. Aujourd'hui, pour leurs descendants, les toits roses de cette ville promontoire auront peut-être la couleur du pays retrouvé.
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Aubeterre-sur-Dronne
Après les forêts touffues des confins de l'Angoumois et du Périgord, Aubeterre joue à chat perché sur le roc blanc auquel elle doit son nom (« alba terra ») et dans lequel les premiers chrétiens creusèrent un sanctuaire au vième siècle. Sa position en fait, depuis le Moyen Âge, l'enjeu de toutes les factions opposées : Anglais et Français se l'arrachent pendant la guerre de Cent-Ans; Catholiques et Protestants s'y déchirent au cours des guerres de Religion. Étonnez-vous après cela qu'un tempérament frondeur et indépendant se soit développé chez les habitants de cette petite ville, célèbre dans la région pour ses démêlés avec le fisc, notamment aux xvième et xviième siècles.
François de Salignac de la Mothe-Fénelon, qui est né au château d'Aubeterre (les jardins sont visitables le dimanche) en 1641, avait peut-être hérité d'une parcelle de ce « fort cailloux » qui est l'a panage de ses compatriotes. Devenu missionnaire au Canada, il s'enflamme contre les abus d'autorité, en l'occurrence ceux du gouverneur Louis de Buade, comte de Frontenac et de Palluau.
Les querelles du passé sont bien oubliées aujourd'hui, mais la petite ville conserve son air fier et l'orgueil de sa position remarquable au bord de la Dronne. Après avoir flâné le long des vieilles rues, visité Saint-Jean, l'église monolithe la plus ancienne de France (on y a retrouvé des sépultures du viième siècle) et admiré la façade romane du xiiième siècle de l'ancienne collégialeSaint-Jacques, gagnez l'esplanade du château, tout en haut de la ville. De là, à perte de vue, de l'autre côté de la Dronne, s'étendent les premiers vallonnements de la Dordogne.
À vos pieds, la ville s'étage le long de la pente et apparaît dans l'enchevêtrement harmonieux de ses toitures de tuiles, de ses vérandas de bois et de ses balcons fleuris. Un peu plus bas, au couvent des Minimes (aujourd'hui maison de retraite), après avoir franchi le cloître bon enfant du xviième siècle, vous découvrirez, dans la chapelle, les armes un peu effacées des Fénelon.
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Barbezieux-St-Hilaire
Barbezieux mérite une petite escale qui se prolongera, peut-être, si vous appréciez son charme et son calme provincial.
Par les rues étroites, dont les noms évoquent un passé guerrier, rue des Basses Douves, rue des Hautes Douves, grimpons jusqu'à l'esplanade du château, construit au xiième siècle et restauré au xvème. De la terrasse, on jouit d'une vue magnifique sur les vignobles charentais. De l'autre côté de la N10, l'église Saint-Mathias, défigurée lors des guerres de Religion, illustre les tourments d'une population secouée par des luttes continuelles. On peut imaginer alors la lassitude des colons Gashet, Tillart et Sicard ou des frères Bodinet l'immense désir de paix qui les fit partir au Canada.
C'est lors des marchés aux bestiaux et aux volailles, chaque mardi, que nous pourrons faire réellement connaissance avec le tranquille habitant de Barbezieux. Mesuré et sage, dit-on, appréciant son pays et son vin. Il fallait vraiment qu'il soit à bout, comme l'ancêtre des Chesnes, dit Saint-Onge, pour abandonner sa colline et ses vieilles rues et partir au Canada fonder à Longueil une paroisse calme et prospère.
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Cognac
On peut naturellement s'arrêter à Cognac pour y satisfaire des curiosités historiques ou culturelles : visiter les ruines du château où naquit François Ier, le véritable instigateur des voyages de Jacques Cartier au Canada ; admirer la cathédrale gothique derrière son beau porche roman; mais c'est plus vraisemblablement avec une arrière-pensée gastronomique que le visiteur fera escale dans la capitale du « savoir-boire ».
Comment résister d'ailleurs au bruissement prometteur des vignes dont les rangées régulières et bien sarclées ceinturent la ville ? ... Ici encore, nous dit-on, Musulmans ingénieux et Anglais économes ont joué un rôle capital. Les premiers y oublient l'alambic et les seconds s'amusent à distiller le vin pour en transporter davantage, inventant ainsi un procédé qui fera fortune.
Pourtant, si le visiteur gourmet se laisse happer, aux bords de la Charente, par les chais aux effluves grisantes où le producteur évoque avec amour et verve la lente maturation de l'alcool dans ses tonneaux de bois, le sage amateur d'histoire ne sera pas pour autant oublié. Des chais, installés dans le cadre même du château, l'invitent à se remettre de ses fatigues culturelles en dégustant le célèbre remontant charentais.
Cognac est aussi la patrie des ancêtres Coudret, Texier, Basque, Doublet, Debroyeux, Tesson et Charbonnier. Vous évoquerez la vie quotidienne en Charente et au Canada en visitant le Musée de Cognac (boulevard Denfert-Rochereau) où l'on conserve une collection de poteries saint ongeaises semblables à celles qui étaient exportées au Québec aux xviième et xviiième siècles.
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Confolens
Situé au confluent du Goire et de la Vienne, à la limite des douces plaines de Charente et des Marches du Limousin, Confolens a toujours été un lieu de rencontre: frontière entre la langue d'oïl du nord et la langue d'oc méridionale. C’est d’ici que sont partis Pierre Lamoureux qui épousa en 1671 au Canada une jeune amérindienne nommée Marguerite Pigarouiche; David Lacroix qui s’est également marié à Québec en 1671; Pierre Joachim Germanaud qui se marie à Sorel en 1684 et Jacques Foubert ( Faubert) marié à Lachine en 1704.
Par le Vieux Pont du xvème siècle qui enjambe la Vienne au pied du donjon carré (xième siècle), gagnons le quartier médiéval deSaint-Maxime. Le long de la rue du Soleil, les maisons de bois à encorbellement nous rappellent la richesse passée d'une ville aujourd'hui un peu endormie. L'église Saint-Barthélémy est, avec sa nef couverte d'un berceau brisé, un monument roman très pur du xiième siècle. C’est là que fut baptisé l'ancêtre des Cherlot, dit Desmoulins. Mais si vous voulez imaginer l'ancienne capitale de la Charente limousine avec toute l'animation de son passé, venez donc à Confolens au moment de son festival (à la mi-août). Vous verrez alors défiler, dans les rues et sur les places de la ville, des groupes en costumes chatoyants qui éveillent les souvenirs des fêtes d'autrefois.
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La Rochefoucauld
Perchée sur un plateau calcaire entièrement travaillé par les eaux des rivières souterraines, la forêt de la Braconne est aujourd'hui le domaine des spéléologues. Vous pourrez faire une belle promenade sous la futaie pour gagner La Rochefoucauld, où nous avons rendez-vous avec les ancêtres des Delage, des Lamirande, des Gellibert, des Vallade et des Saint-Aignan. Leur jolie ville d'origine fut fondée, dit-on, par le fils de la fée Mélusine, charmante enchanteresse à queue de serpent, souvent représentée aux chapiteaux des églises romanes de la région. Ce fils, qui répondait au nom de Foucauld, édifia sur le rocher le premier château qui est à l'origine de la forteresse, dont nous voyons encore le donjon du xième siècle. Sur cour, ont été ajoutés, à la Renaissance, les trois étages de galeries ouvertes de larges arcades dans le goût italien.
Cette famille de La Rochefoucauld, dont les branches s'étendent un peu dans toute la France, est celle de Jean-Baptiste-Louis-Frédéric de La Rochefoucauld, duc d'Anville, qui tenta, en 1745, de reprendre Louisbourg aux Anglais et de ruiner la colonie anglaise d'Annapolis. Sa flotte fut dispersée par une violente tempête. Accablé par le destin, le malheureux d'Anville mourut dans la baie de Chibouctou en 1746 sans avoir révélé son secret qui, une fois de plus, replonge la vieille famille dans la légende : son escadre transportait des fonds destinés à la fortification de Louisbourg. Les navires chargés d'or se trouvant en perdition dans la baie de Mahone, en Nouvelle-Écosse, les officiers décidèrent d'enterrer le trésor dans l'îlot des Chênes. Il y est, paraît-il, toujours ...
Si le château se prête aux histoires romanesques, la ville basse, au pied du donjon, avec son vieux quartier Saint-Laurent-Hors-les-Murs, n'est pas non plus sans charme. En traversant le pont en dos d'âne (xviième siècle) sur la Tardoire, nous retrouvons le parcours de l'ancêtre des Rivault lorsqu'il regagnait sa paroisse. Protégée par un épais mur d'enceinte percé de six portes, cette partie de la ville était la plus importante et la plus commerçante. L'église Saint-Cybard, où fut baptisé le petit Pierre Rivault, est de style gothique (xiiième siècle), ce qui est assez rare dans cette région riche en édifices romans.
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Londigny
Le petit hameau de Chez Baillargeon, à deux kilomètres de Londigny, porte toujours le nom de la vieille famille qui s'y est fixée au xvème siècle. Jean Baillargeon y est né en 1612 dans la maison familiale aujourd'hui en ruine, mais que l'on vous indiquera très facilement sur place. Les nombreux visiteurs canadiens ont familiarisé les habitants à l'histoire de la famille Baillargeon. Jean a émigré à Québec où il s'est marié en1650 une première fois avec Mathilde Guillebourdeau, puis en 1666 en secondes noces avec Esther Coindriau.
Sa descendance fut extrêmement nombreuse, à tel point que ses “ petits-enfants ” se sont constitués en association et font régulièrement à Londigny un véritable voyage de retour aux sources. S'ils emportent chacun, en souvenir, une pierre de la maison de Chez Baillargeon - comme ce fut le cas des précédents voyageurs qui ont même récolté de belles sculptures du xvème siècle - il ne restera bientôt plus rien de la demeure des ancêtres.
Une autre branche de la famille Baillargeon s'était fixée à quelques kilomètres de là, dans le petit village d'Embourie. Mathurin Baillargeon y naquit en 1626. Il s'est marié à Trois- Rivières en 1650 et a eu dix enfants. On peut encore voir à Embourie l'église romane où il fut baptisé.
A l'entrée de l'église de Londigny, une plaque de bronze inaugurée en 1988 par l’Association des Baillargeon évoque le souvenir de Jean et Mathurin Baillargeon qui ont quitté Londigny et Embourie en 1648. Cette plaque rappelle aux visiteurs que tous les Baillargeon d'Amérique du Nord sont leurs descendants
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Puymoyen
Après la banlieue moderne d'Angoulême, on est charmé par l'authenticité de Puymoyen. Ici le temps s'est arrêté, comme ce rayon de soleil qui dore le porche de la petite église et les tuiles romaines des toits.
Surplombant un peu la route, l'église et la mairie font front commun dans un nid de verdure. Longez la mairie, empruntez la rue de la Ferme et vous arriverez à la maison natale de Pierre et de NoëlSimard (4, rue de la Ferme). Cette maison qui a appartenu à une branche de la famille Simard jusqu’en 1974 et est toujours connue à Puymoyen sous le nom de « maison Simard ». Entourée d'un mur qui délimite un enclos rectangulaire, la maison surprend par sa disposition : en façade, trois pièces d'habitation donnent sur la cour où s'alignent de nombreux appentis. Derrière, une grange immense étire interminablement son beau toit bosselé ; nous avons là un bel exemple de maison paysanne charentaise qui abrite sous le même toit toutes les activités de la ferme : habitation, écuries, animaux, fourrage, récoltes, caves et celliers.
Pierre et Noël Simard ont pourtant quitté cette agréable maison. Ils ont gagné Québec à bord du vaisseau Le Taureau, en 1657, et se sont installés sur la côte de Beaupré. Le ralentissement progressif des activités avait rendu inéluctable leur départ. LesSimard quittaient une région éprouvée par plusieurs années de famine et dévastée par les guerres de Religion.
À Beaupré, le père et le fils, qui sont maçons de leur métier, n'ont eu aucun mal à se faire une place. Ils participent bientôt à la construction du premier sanctuaire de Sainte-Anne. Noël se marie ; il aura douze enfants.
Une de ses filles épouse un Tremblay et voici que s'engage un long processus de parenté entre les deux familles les plus nombreuses du Canada.
L’église et le cimetière de Puymoyen évoquent aussi la famille Simard. L’église est le lieu de baptême de Pierre Simard, et, en 1957, lors du tricentenaire du départ des Simard pour le Canada, un Canadien, l’abbé Simard y a célébré une cérémonie en présence d’une délégation de Simard venus du Canada.
Quant au cimetière, il abrite le monument funéraire de la famille Simard, ainsi que deux plaques commémoratives vouées à René Simard (dernier propriétaire de la « maison des Simard »), posées l’une par l’Association des Simard du Canada, l’autre par l’Association France-Québec.
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Saint-Amant-de-Boixe
La route qui va d'Angoulême à Saint-Amant-de-Boixenous invite à une merveilleuse promenade en Charente septentrionale. Elle suit de temps à autres le cours généreux de la Charente, croise des étangs, paradis des pêcheurs et des chasseurs. Bientôt, la route gravit des collines dont le moutonnement doux se profile jusqu'à l'horizon. Dans la vallée, les petites villes blondes s'étirent. Arrêtez-vous partout, en suivant votre inspiration qui est souvent le meilleur des guides. Ne manquez pourtant pas Saint-Amant-de-Boixe. Son clocher apparaît d'abord dans un écrin de verdure, puis le gros mur de l'abbatiale au tournant de la route, enfin le village de l'autre côté d'une vaste place. C'est dans la partie haute du village que sont nés Antoine Desserre (1637), marié à Château-Richer, père de sept enfants, et Jacquette Touraud (1611), qui a épousé Pierre Jarousseau à Périgny en 1640, puis Jacques Prévirault à Québec en 1653, avant de convoler en troisième noce avec Maurice Arrivé, à Québec, en 1654.
Tous deux ont été baptisés à l'abbatiale Saint-Amant, construite au xiième siècle et qui régla pendant de nombreux siècles la vie de la cité. On voit encore très nettement le mur d'enceinte percé d'une porte, face au porche de l'église. Au-delà des deux bâtiments qui abritaient les cuisines et les celliers, un cloître, en partie d'époque romane, en partie gothique, subsiste encore, aux trois quarts ruiné. Au fond, l'énorme bâtisse, soutenue par des contreforts et percée d'ouvertures étroites, servait de réfectoire aux religieux.
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Brouage (jumelée avec la ville de Champlain, province de Québec)
Longtemps endormie dans le silence et la mélancolie, à l’abri de ses remparts ornés d’échauguettes, la ville apparaissait hier encore, immobile au milieu des champs, comme un vieux navire échoué à plus de dix kilomètres de la mer qui autrefois léchait ses pieds. Aujourd’hui entièrement restaurée, classée Grand Site National, Brouage, premier port d’exportation du sel au xvième siècle et place forte de Richelieu au siècle suivant, nous livre ses secrets, au coeur du marais.
Brouage est une ville de nostalgie. Souvenir de Marie Mancini que Louis XIV aimait et qui fut exilée ici pour raison d'État. Mais surtout, souvenir de Samuel de Champlain, explorateur du Canada et fondateur de la ville de Québec, qui y est né en vers 1570.
Brouage a bien changé depuis le temps où Champlain y vivait. La ville que nous voyons actuellement n'est pas celle qu’il a connue, puisque Richelieu la fit reconstruire à partir de 1630, pour en faire le port militaire le plus important de la côte Atlantique. De cette époque datent les fortifications érigées par l'ingénieur d'Argencourt et rénovées parVauban, le bastion royal et les anciennes forges, la halle aux vivres, la tonnellerie et les poudrières qui viennent d’être restaurées.
Seule l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul contruite en 1608, année de la fondation de Québec rappelle le Brouage de Champlain. A l’initiative de David Macdonald Stewart, président de la Fondation Macdonald Stewart (Montréal), puis après son décès de sa femme Liliane Macdonald Stewart, les vitraux de l’église ont été restaurés depuis 1982, selon une iconographie qui évoque l’histoire française du Canada. Ils représentent :
- « L'épopée de l'Ile Sainte-Croix » premier établissement français en Acadie, fondé par Pierre du Gua de Monts et son lieutenant Samuel de Champlain (don du Nouveau-Brunswick - 1982)
- « La fondation de la Ville de Québec » retraçant l'arrivée et l'établissement permanent de Samuel de Champlain à Québec en 1608 (don de la Ville de Québec - 1983)
- « Les voyages de Samuel de Champlain en Ontario » (don de l'Ontario - 1991).
- « Hommage aux pionniers de la Nouvelle-France », verrière du chevet (don du Comité français Poitou-Charentes et des administrations publiques associées - 1995)
- « Le Bienheureux François de Montmorency – Laval, 1623-1708, premier évêque en Amérique du Nord et fondateur du séminaire qu'il fit ériger en 1663 » (don de Simone Guichard-Sollogoub - 1995)
- « Le Québec, son Histoire, ses Ressources et ses Richesses naturelles » (don du Québec- An 2000)
Cinq de ces vitraux sont de facture canadienne. Quatre d’entre eux ont été réalisés par l’artiste montréalais Nicolas Sollogoub. Le vitrail représentant les voyages de Champlain en Ontario est l’œuvre de l’artiste torontois Stephen Taylor.
Mais revenons maintenant à Champlain, et penchons-nous sur son histoire. Né dans une famille de marins, Champlain découvre très tôt la navigation puis apprend la cartographie auprès de l’ingénieur DuCarlo, géographe auteur d’un projet de fortification de Brouage. Après avoir servi dans l’armée royale de Bretagne, il poursuit son expérience lors d’un voyage au Mexique avec les Espagnols. Il est alors invité par Aymar de Chaste, titulaire du monopole commercial de la Nouvelle-France à accompagner une expédition qui part d'Honfleur le 15 mars 1603, à bord de La Bonne Renommée. Au Canada, Champlain est d'abord simple observateur. Il remonte le Saint-Laurent jusqu'à la hauteur de l'actuel Montréal. A son retour, il incite Pierre Du Gua de Monts, successeur de Aymar de Chaste, à fixer l'emplacement d’une colonie en Acadie. Il espère y trouver du minerai et, qui sait, une route vers l'Asie. Au printemps de 1605, après un hiver très rude, Pierre Du Gua de Montset Samuel de Champlain fixent leur choix sur Port-Royal. Champlain passera encore l’année suivante au Canada. En compagnie deJean de Biencourt de Poutrincourt, de l'avocat Marc Lescarbot et de l’apothicaire Louis Hébert, l'hiver est beaucoup plus joyeux. Avec ses nouveaux amis, Champlain fonde l'Ordre du Bon-Temps dont les membres doivent, à tour de rôle, fournir la table en gibier et s'employer à maintenir la bonne humeur générale.
Malheureusement, en France, Pierre Du Gua de Monts ne partage pas cette joyeuse humeur. Son monopole contesté par les marchands de tous les ports de l’Atlantique lui est retiré et il se voit contraint de démanteler sa petite colonie.
Pourtant, dès 1608, Samuel de Champlain et Pierre Du Gua de Monts sont de nouveau prêts à partir. À la suggestion de Champlain qui a réussi à convaincre le roi Henri IV de prolonger le monopole de Du Gua de Monts d’un an, c'est désormais sur les bords du Saint-Laurent qu'ils vont essayer de s'établir. Champlain choisit comme emplacement la pointe de Québec et, avec le bel enthousiasme qui le caractérise, il plante du blé et de la vigne pour éprouver la terre.
En 1603, il a publié son premier livre Des sauvages , puis de 1604 à 1632 le récit de ses voyages accompagné de nombreuses cartes et illustrations apportant une foule d’information sur la géographie,la faune, la flore et les habitants du Canada qu’il explore de l’Acadie jusqu’aux Lacs Champlain, Huron, Supérieur et Ontario. En 1611, il devient officiellement commandant de la colonie, au nom du lieutenant-général de la Nouvelle-France. Des jeunes gens sont envoyés dans les tribus indigènes pour apprendre les langues des amérindiens dont Champlain souhaite se faire des alliés et des guides pour ses explorations du pays. En 1618, Champlain propose au roi Louis XIII de faire deQuébec une métropole commerciale entre la France et la Chine, dont il ne désespère pas de trouver la route à travers les voies d’eau du continent américain. Cette ville pourrait également être un grand marché pour toutes les richesses naturelles du Canada (dont Champlain a une intuition assez juste). L'accord du roi tarde à venir et Champlain se heurte pendant de nombreuses années à l'incompréhension et aux rivalités des différentes compagnies qui se disputent le monopole du Canada. Celles-ci ne tiennent pas à l'installation de colons qui constitueraient des intermédiaires coûteux.
Enfin, Richelieu, convaincu de l'importance commerciale d'une colonie en Amérique du Nord, met un terme à cette instabilité. Il crée, en 1627, la Compagnie des Cent-Associés, qui a pour principal objectif le peuplement du Canada que souhaite Champlain. Il faudra, malheureusement, encore attendre car, en 1629, les Anglais se sont emparés de Québec. Les Français ne pourront y revenir qu'en 1633, après le traité de Saint-Germain-en-Laye (1632). Champlain reprend alors, inlassablement, sa tâche. Avant de mourir, le 25 décembre 1635, il aura la joie de voir arriver à Québec le premier contingent de colons. Venus du Perche, avec Robert Giffard, ces nouveaux arrivants constituent la base de la colonie française outre-Atlantique, à l'avenir de laquelle Champlain croyait passionnément.
Si vous voulez connaître plus en détail la vie de ce grand explorateur, franchissez la porte de la Maison de Champlain, qui a été inaugurée fin 2004 et qui met toutes les techniques modernes au service de l’histoire, pour mieux faire comprendre la vie et l’époque de Champlain .
Dans le jardin, une borne commémorative posée en 1990 par une délégation de géomètres-arpenteurs canadiens et français, rappelle que Samuel de Champlain fut le premier arpenteur du Canada.
Un certain nombre de colons ont aussi quitté Brouage pour leCanada au XVIIe siècle. Notons en particulier les matelots Nicolas Hérier et Pierre Bonnet, les mariniers Nicolas Binois et Jean Guesdon, ainsi que le soldat Jehan Coisnon qui se sont embarqués à La Rochelle en 1643. En 1644, les matelots Jean Foucheron et François Lardereau, ainsi que le charpentier Simon Richome, tous originaires de Brouage sont, quant à eux, engagés par Jérôme Le Royer de La Dauversière pour Ville-Marie. Pierre Pèlerin dit Saint-Amand arrive à Trois-Rivières quelques années plus tard et s'y marie en 1655. Quant à la famille Miville, elle part massivement à l’aventure. Intéressons nous plus particulièrement à Aimée Miville : C’est toute jeune qu’elle franchit l’Atlantique puisqu’en 1652, à l’âge de 16 ans, elle se marie à Québec, et devient rapidement mère d’une grande famille. Dans l’Eglise de Brouage, une plaque commémore la famille Miville, et une autrele baptême d’Aymée Miville. Enfin, une plaque est consacrée à Jean Grondin, signalé à Québec en 1669.
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Ile d'Aix
L'île d'Aix est la plus séduisante des îles; celle où l'on rêve de faire escale un jour. Toute petite derrière ses fortifications envahies par la mousse et les ajoncs, elle fait au plus trois kilomètres de long et l'on peut la parcourir en calèche, comme autrefois. Mais la première visite est pour le village blanc et fleuri où les voitures (quelle chance!) sont interdites. Ici, tout est sous le signe de Napoléon qui y passa ses derniers jours enFrance avant de partir pour Sainte-Hélène. Les admirateurs du grand homme pourront s'en donner à coeur joie en allant de l'hôtel Napoléon au musée de l'Empereur, en passant par la place d'Austerlitz.
Pour les observateurs qui ont reconnu au premier coup d'oeil les fortifications de Vauban (fin du xviième), c'est la dernière pierre d'achoppement de tout le système défensif de Rochefort qu'ils voient ici en place. L'île d'Aix joue un double rôle: dernier bastion protégeant l'embouchure de la Charente, elle sert aussi de port avancé à Rochefort.
L'île devient ainsi l'un des derniers points de ralliement des navires qui se rendent en Nouvelle-France. Parmi tant d'autres, le vaisseau Le Jason, qui emporte à son bord, le 30 juin1737, l'intendant Gilles Hocquart, Jacques Simonet, futur maître de forges de Saint-Maurice, et une cinquantaine de forgerons de la région de Dijon, jette l'ancre à l'île d'Aix avant de gagner leCanada. Jean-Michel de Lespinay, gouverneur de la Louisiane, s'y embarque également en 1720. Le quai de l'Acadie et la plaque commémorative qui s’y trouve rappellent l'arrivée,à partir de 1755, de nombreux Acadiens, victimes du "Grand dérangement" qui furent hébergés dans l'île en attendant d'être dirigés vers Archigny – la Ligne Acadienne, dans la Vienne.
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Ile d'Oléron
“ Ce pont d'Oléron! ” soupire-t-on ici, laissant entendre que cette « presque-plus-île » a perdu, par ce lien avec le continent, une part de rêve et de tranquillité.
Sa côte, ostréicole devant Marennes, s'étire en plages merveilleuses et paisibles. Moins abritée à l'ouest, cette partie de l'île doit au tumulte de l'océan et au vent qui agite inlassablement ses forêts de pins le surnom évocateur de « Côte sauvage ». Avec son climat plus vivifiant que ce lui de Ré, Oléron est le royaume de ceux que l'on appelle si joliment « les jardiniers de la mer » car ils recueillent, de l'huître à la crevette, tous ces fruits de mer qu'accompagnent si bien le melon et le petit vin local ; surtout si on les déguste dans le port coloré de La Cotinière (côte ouest, vingt kilomètres après Saint-Trojan).
À l'intérieur, l'île abrite de nombreux villages aux maisons blanches et vertes ceinturées de jardins et de vignes ; Saint-Denis-d’Oléron, patrie des Coindet et des Gendreau, Saint-Georges-d’Oléron où est née Jeanne Crépeau, Saint-Pierre-d’Oléron, capitale viticole de l'île, où il fait bon faire escale. Le mimosa y pousse en hiver et la lanterne des morts évoque le souvenir des ancêtres Allebert, Fouchard, Jouin, Maranda et Masse.
A la citadelle du Château-d'Oléron, découvrez un musée unique en France, le Mémorial des soldats de la Nouvelle-France. Il retrace d'une façon très vivante et originale, à l'aide de documents, mannequins et vidéos, l'histoire des soldats et marins qui firent campagne en Acadie, au Canada et en Louisiane. Aux viiième siècle, cette citadelle a en effet tenu lieu de garnison de passage pour les Compagnies Franches de laMarine et pour les bataillons de l'armée du marquis de Montcalm qui attendaient leur embarquement pour l'Amérique.
Le musée présente également une verrière de Nicolas Sollogoub (médaille de Vermeil de la Ville de Parisen 1996), qui représente « Le Chemin du Roy au Païs de Canada », c’est-à-dire la première route construite en Amérique du Nord (1706-1737) pour relier Québec, Trois-Rivières et Montréal. Une deuxième verrière en cours de réalisation, « La Grande Paix de Montréal de 1701 », illustrera un autre grand moment de l'histoire des origines françaises du Canada.
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Ile de Ré (pacte d’amitié avec l’Ile d’Orléans)
Bien qu'un pont relie aujourd'hui, l'Ile de Ré à la côte, tout concourt à accentuer le dépaysement. L'île a un climat plus chaud, plus ensoleillé que celui de la côte et le charme d'un paysage presque exotique, brûlé par le soleil et par le sel, qui fut pendant longtemps l'unique ressource de Ré. L'île a gardé, surtout dans sa partie la plus étroite, ce découpage très particulier des marais salants : une multitude de bassins alimentés par l'eau de mer à marée haute. À marée basse, le soleil favorise une évaporation rapide. Les nombreux colons, qui ont quitté Ré au cours des xviième et xviiième siècles, ont connu en pleine prospérité cette activité, aujourd'hui déclinante.
En voyant les jolis petits villages blancs aux maisons basses et fleuries qui s'égrènent le long de la route, on a du mal à croire que la vie y ait été aussi dure autrefois. L'habitant travaillait aux salines dans une atmosphère infestée de malaria (une prison remplace aujourd'hui le bagne de Saint-Martin-de-Ré). Aussi n'est-il pas étonnant que de nombreux Rétais se soient laissés tenter par l'espoir d'une vie plus saine. Toujours est-il qu'au mois de mars de l'année 1665, on voit partir simultanément une trentaine de colons encouragés par les conditions avantageuses que Colbert offre aux émigrants. En moins d'un mois, ces trente colons quittent leurs petits villages natals. De Saint-Martin-de-Ré, qui abrite derrière ses fortifications son gracieux port enfer à cheval, ce sont Gabriel Boyer, Elie Dussault, Pierre Elbert, René Emond, François Marchand, Marie Meunier, André Mignier, Pierre Mercereau . Ils rejoignent Pierre Nepveu d'Ars-en-Ré, Guillaume Bertrand, Pierre Cailloneau Gilles du Ray et Mathurin Villeneuve de Sainte-Marie-de-Ré et Jean Baptiste Champagne dit Saint-Martin de Rivedoux-Plage.
Un gros contingent vient aussi de La Flotte, capitale de l'île pour le commerce, la pêche et les huîtres dans ses salines, transformées en parc à huîtres. Avec sa vieille église, ses rues bordées de roses trémières et ses maisons blanches à volets verts, nous avons à présent, du village, une image apaisée. Pourtant, combien de fois le port de La Flotte a-t-il résonné de ces noms que le greffier inscrivit sur les rôles d'embarquement de La Rochelle : Allard, Bonin, Briel, Blais Cadiou, Chevalier, Damien, Durand, Dupuis, Fortage, Gautrais, Guillet, Messager, Thibaud, Villeneau,... engagés pour le Canada.
Comme l'Ile d'Aix voisine et de nombreux ports de l'Atlantique, l'Ile de Ré accueillit à partir de 1755, plusieurs familles acadiennes exilées.
CHARENTE-MARITIME
La Rochelle
Qui n'a pas rêvé de La Rochelle ?
Pour une fois, la réalité ne va pas décevoir nos rêves: le vieux port de La Rochelle, d'où se sont embarqués aux xviième et xviiième siècles des centaines de colons canadiens, n'a pas changé depuis cette époque. Il est aussi resté tel que René-Robert Cavelier de la Salle a pu le contempler lorsqu'il a quitté La Rochelle en 1682, pour découvrir l'embouchure du Mississippi.
Abrité derrière ses remparts, le port est fermé par deux grosses tours médiévales: la tourSaint-Nicolas, près de laquelle sont nés les ancêtres Gendron et Baudet, et la tour de la Chaîne non loin de laquelle vivait l'ancêtre des Nolin. Celle- ci doit son nom à la chaîne qui, tendue entre ces deux tours, permettait de contrôler l'entrée et la sortie des bassins pendant la nuit. Le vieux port est sans doute la partie la plus pittoresque de La Rochelle. On s'y attarde à la terrasse des cafés, rendez-vous de toute la ville, en regardant passer la foule et évoluer les voiliers.
Mais la ville elle-même, derrière la Grosse Horloge, charme par son harmonie. Nous voici sur la place des petits bancs où se tenaient les changeurs de monnaie qui officiaient assis en plein air sur des bancs. Devant nous s'étire la plus fameuse des rues à arcades de La Rochelle, la rue du Palais, avec ses jolies façades qui vont du xvème au xviiième siècle.
L'Hôtel de la Bourse qui abritait la Chambre de commerce en est le fleuron. Devenu trop exigu, le bâtiment fut reconstruit dans la deuxième moitié du xviiième siècle. Il développe, sur rue, sa façade régulière percée d'arcades. Dans la cour, on peut voir les emblèmes du commerce maritime : rose des vents, cadran solaire, écusson royal. Sur sa façade a été posée une plaque commémorant les directeurs de la chambre de commerce qui encouragèrent les liens commerciaux avec le Canada. Tout ici reflète la prospérité des marchands rochelais du siècle des lumières. Cette période marque l'apogée du commerce maritime qui, à partir de La Rochelle, s'épanouit alors entre l'Afrique, les Antilles et le Canada. LaRochelle était également le grand centre de redistribution des fourrures en France, voire en Europe. La chambre de commerce était alors très consciente de l'intérêt économique du Canada. Aussi fut-elle une des premières à s'élever contre la cession du Canada aux Anglais en 1763. Elle avait parfaitement mesuré l'importance d'unetelle perte pour l'économie rochelaise mais aussi pour la France entière. Elle adressa donc un mémoire au ministre Choiseul, ainsi qu'à toutes les chambres de commerce françaises concernées. Son argumentation, la plus lucide et la plus compétente émise à cette époque, insistait sur l'importance des pêcheries et des débouchés outre-Atlantique. Elle montrait en outre une véritable connaissance des richesses naturelles du Canada. Bayonne, Rouen, Montpellier se firent l'écho de La Rochelle. Peine perdue ! L'influence des coteries l'emporta auprès du roi sur les seuls avis éclairés. Si vous désirez consulter ces documents passionnants qui ont failli changer le sort du Canada, demandez-les aux Archives de la Chambre de commerce où ils ont été précieusement conservés jusqu'à nos jours.
En haut de la rue des Arcades, la cathédrale Saint-Louis, bâtie sur les plans des architectes Jacques et Jacques-Ange Gabriel à la fin du xviiième siècle, ne fut jamais achevée. Elle abrite une très belle collection d'ex-voto marins des xviième et xviiième siècles. Ils illustrent de façon émouvante les multiples dangers de la mer, particulièrement redoutables pour qui entreprenait ces traversées aléatoires, longues de deux ou trois mois, vers le Canada.
De l'autre côté de la cathédrale, au 3 bis de la rue Pernelle, voici l'hôtel de l’Intendance où résida Jean Talon. Sur son portail à pilastres orné de glands ont été placées les armes des Bégon, famille de Michel Bégon, cet autre intendant de la Nouvelle- France. La rue Fromentin nous conduit à la rue de l'Escale. Attention, il convient ici de marcher les yeux rivés à terre, nous foulons un sol canadien ! En effet, cette rue est pavée de ces gros galets du Saint-Laurent qui servaient de les taux navires chargés de trop légères fourrures. Au numéro 3, ne manquez pas la maison des Beauharnais, célèbre famille d'intendants et de gouverneurs de la Nouvelle- France, alliée aux Bégon.
Regagnez la Grosse Horloge. La rue du Temple, qui commande aujourd'hui tout un quartier piétonnier, puis la rue de l'Hôtel de Ville vous conduisent à l'Hôtel de Ville où se décida pendant de nombreuses années la politique de la grande capitale huguenote. Terre protestante depuis le milieu du xvième siècle, La Rochelle, indocile, était soutenue parles Anglais. Richelieu ne réussit à la soumettre qu'en 1628 après un très long siège.
Redevenue fidèle à la couronne par la force des armes, La Rochelle put alors peu à peu s'affirmer comme premier port d'embarquement et d 'échanges commerciaux avec le Canada.
Par l'église Saint-Sauveur, la plus ancienne de La Rochelle, dans laquelle furent baptisés Pierre Bonnet, Pierre Dagenais et Mathieu Proutot, regagnons le quai Duperré. Aux numéros 10 et 10 bis, dans les bâtiments du bureau des douanes se trouvait autrefois le « poids du roi » où se percevait la taxe sur les marchandises importées et exportées. Songez à toutes les fourrures canadiennes qui sont passées par là !
Dans le bel hôtel d'un armateur du xviiième siècle, au 10 rue Fleuriau, le Musée du Nouveau Monde, retrace à travers une riche collection de cartes, tableaux, meubles et objets rares les relations séculaires entre La Rochelle et les Amériques, les transports maritimes du xvième au xivème siècles et la vie des Amérindiens du Nord. Le musée possède en outre une vingtaine de cartes et de gravures, pour la plupart du xviiième siècle, représentant la Nouvelle-France, en particulier, Québec, la région du Saint-Laurent et l’Acadie.
Continuons notre promenade canadienne dans La Rochelle : ici, tout évoque la Nouvelle-France et ceux qui ont fait son histoire : Au fil de vos pas, vous déambulerez dans la rue Jacques Cartier, la rue Champlain, avant de longer la rue Montcalm, et d’emprunter la rue du Québec….puis, sur le quai Louis Prunier, la plaque commémorative de la famille Jouineau vous rappellera le destin de ceux qui ont tenté la grande aventure…
LesArchives, situées dans un bâtiment moderne près du port de plaisance des Minimes réservent elles aussi bien des émotions aux amateurs de documents anciens et de généalogie. Ceux-ci pourront dépouiller les contrats d'engagement passés devant notaire par la plupart des émigrants qui se rendaient au Canada. N'ayant pas les moyens de payer leur passage, les volontaires s'engageaient en général pour trois ans au service d'un marchand, d'une congrégation religieuse ou d'un seigneur canadien qui les faisait venir (la main-d'oeuvre étant rare au Canada) en leur avançant le prix de la traversée. Plus de 1300 colons sont ainsi partis de La Rochelle, originaires, pour la plupart, du sud-ouest et du centre de la France. Mais la ville elle-même a fourni son propre contingent de colons parmi lesquels on note les Bailly, Boursier, Caron, Cormier, Caillet, Eliedit Godon, Filion, Gaboury, Gagné, Guillaume, Labory, Legeron, Monin, Perras, Pierre, Rivet, Robert, Trottier, les charpentiers, Bouchard et Girard, les laboureurs, Chaigneau et Bodin, le serrurier, Bousquet, le maçon, Pradeau, le boulanger, Thibault et les protestants, Bédard, Cousseau, Dussault et Padiolet (natifs du quartier du Temple) qui se sont convertis au catholicisme au Canada. Il ne faut pas non plus oublier les femmes, Madeleine Dupont, Anne Dupuis, Marie Jobin, Françoise Lamarre, Barbe Ménard…
De Cogne hors (faubourg nord-ouest de la ville), sont partis les ancêtres des Beauchamp, Bertrand, Boyer, Gautron, Jouineau, Lévesque, Meunier Papillon, Renaud, Rhéaume, Trudeau. Ils avaient tous été baptisés dans l'église Notre-Dame-de-Cogne. D'Aytré, plus au sud, sont venus les Bidet, Gironet Brottier ; de Lagord, les Bouchard et les Rocheron ; deSaint- Éloi, les Riorteau ; de Laleu, Jean Plante; de Dompierre-sur-Mer, les Archambault (plaque dans l’église); et de la Jarne, les Therrien.
CHARENTE-MARITIME
Marans
La route de Marans nous entraîne aux confins de la Charente-Maritime et de la Vendée. Nous sommes ici dans un paysage de marais qui correspond à l'ancien estuaire, en partie envasé, de la Sèvre niortaise. Marais, canaux, verdure composent le cadre de Marans qui s'endort doucement, blanche et plate au milieu des eaux.
Pourtant, Marans fut autrefois une place forte importante que Du Guesclin reprit aux Anglais durant la guerre de Cent Ans (1337-1453) et que Protestants et Catholiques s'arrachèrent. Henri IV en fait le siège, Richelieu l'occupe en même temps que La Rochelle et fait raser ses murs un peu plus tard en 1638. La ville, qui pouvait abriter plus de deux mille soldats, se vide alors complètement.
Faute d'emploi, bien des familles se trouvent alors sans ressources, après avoir été ruinées par les guerres incessantes de cette première moitié du xviième siècle.
Telle est la situation lorsqu'on apprend, en 1659, que Jeanne Mance, fondatrice de l'hôpital de Montréal, auCanada, recherche des familles pour son Hôtel-Dieu. Là-bas, le travail ne manque pas pour les ouvriers, les défricheurs, les laboureurs ou les maçons. En échange d'un engagement de trois ans pour l'Hôtel-Dieu, le prix du voyage leur est avancé. Les volontaires le rembourseront sur leur salaire au Canada. Plus tard, lorsqu'ils auront rempli leur engagement, des terres leur seront concédées sur le territoire de Montréal, où ils pourront alors se construire une maison.
À Marans, aussitôt, plusieurs familles (parentes parles femmes : les trois soeurs Garnier) s'intéressent à la proposition. Depuis plusieurs années, elles ont assisté à de nombreux départs pour le Canada et les nouvelles de là-bas ne sont pas mauvaises.
On imagine assez bien les conseils de famille qui ont dû précéder une pareille décision : les trois beaux-frères, Simon Cardinal, Olivier Charbonneau et Pierre Goyet (Goguet) se réunissant avec leurs femmes, leurs neveux Mathurin et Catherine Thibodeau et leurs amis Pierre et Mathurine Vuiberge (Guiberge). Et c'est ainsi que dix adultes de la même famille, avec leurs dix enfants (dont certains, en basâge, mourront pendant la traversée), se lancent finalement, tous ensemble, dans la grande aventure. Le 15 juin 1659, tout le monde se retrouve chez le notaire Demontreau de LaRochelle. Chaque famille reçoit de Jeanne Mance le prix de son passage au Canada et s'engage, en contrepartie, à travailler pour l'Hôtel-Dieu de Montréal.
Au bout de trois ans, ils s'installent à leur compte en finissant de rembourser leur dette. Simon Cardinal et sa famille reçoivent, en 1662, une concession sur le domaine de Montréal, mais ils ne finissent de s'acquitter de leur dette qu'en 1669. Après quoi, ils s'installent à Lachine.
Pierre Goguet, lui, devient propriétaire un tout petit peu plus tard, car il va vivre une aventure assez exceptionnelle. Enlevé par les Iroquois en 1661, il réussit à s'échapper, gagne la Nouvelle-Hollande (région de NewYork) d'où il peut enfin reprendre la route de Montréal. On le croyait mort ! Il a droit à une concession à Longue-Pointe en 1665. Sa fille Marie-Anne, née à Marans en 1657 avant le départ de la famille n’hésita pas, le moment venu, à prendre la relève. Aux côtés de son mari, Jacques Desnoyers dit Lajeunesse (de La Rochelle), elle s’enrôle dans la compagnie de M. Marin, au plus fort de la lutte contre les Iroquois.
La famille Thibodeau, elle, devient concessionnaire en 1662 et la famille Charbonneau en 1663. Tous les chefs de ces familles, comme tous les habitants de Montréal, vont, bien sûr, participer aux guerres iroquoises. Ils feront pour la plupart partie de la milice de la Sainte-Famille créée par Paul de Chomedey de Maisonneuve pour protéger Montréal, avant que le roi n'envoie, en 1665, les soldats de métier du régiment de Carignan-Salières.
Quelques années plus tard Philippe Beaudoin dit Desjardins est à son tour parti, probablement en tant que soldat. Il s'est marié en 1699 à Charlesbourg.
Mais revenons à Marans : la ville est restée à peu près telle que nos colons l'ont connue. Son port, avec ses vieux quais et son pont du xviième siècle, sert toujours de havre ; mais ce sont maintenant des bateaux de plaisance qui s'y abritent durant l’hiver.
Aux devantures des magasins, des cafés, au cimetière, que de noms familiers ! Ici les Goguet (Goyet) sont encore nombreux, ainsi que les Thibodeau et les Charbonneau. À côté du cimetière, l'ancienne église paroissiale Saint-Étienne est un beau monument original des xième - xivème siècles qui a longtemps fait partie du décor familier des colons.
CHARENTE-MARITIME
Rochefort
Des rues somnolentes sagement disposées le long de la Charente, des monuments bien cachés ! Qui se douterait que cette ville au visage un peu austère a abrité pendant deux siècles l'un des ports militaires et commerciaux les plus importants de France pour ses échanges avec le Canada !
En 1666, Colbert, le Premier Ministre de Louis XIV, séduit par la configuration très protégée de cette côte charentaise, décide d'établir un important arsenal et un port de guerre à l'embouchure de la Charente. En trois ans, la ville sort de terre, ou plus exactement des marais. C'est un bel exemple d'urbanisme du xviième siècle que l'on doit à l'architecte François Blondel. Derrière les remparts de Vauban, aujourd'hui remplacés par des promenades, la ville déploie un plan en échiquier parfaitement géométrique qui fait l'orgueil de Colbert.
Le long du fleuve se succèdent les bâtiments militaires et navals : Musée de la Marine, arsenal, préfecture de la Marine, jusqu'aux bâtiments de l’ancienne corderie, construits sous LouisXIV et aujourd’hui magnifiquement rénovés.
La Corderie Royale abrite le Centre International de la Mer tandis que l'ancien arsenal des côtes du Ponant a retrouvé momentanément ses activités d'antan grâce à un étonnant projet confié à ses chantiers navals.
Des charpentiers de marine et des spécialistes bénévoles, sous la direction d'un ingénieur naval et maître constructeur, ont largement entamé la reconstruction à l'identique la frégate Hermione à bord de laquelle le marquis de La Fayette embarqua en 1780 pour rejoindre les armées d'Amérique et combattre aux côtés des "Insurgents". Reconstruite dans la forme (cale) d'où sortit l'original au xviiième siècle, la frégate sera mâtée sur la Charente comme à l'époque et l'on prévoit que la mâture sera en partie réalisée en pins rouges du Canada.
Les cordages, bien qu'ils ne puissent plus être confectionnés à la Corderie Royale seront, cependant, fabriqués à l'ancienne. Le navire prendra la mer d’ici quelques années dans le cadre d'une navigation exceptionnelle sur les traces de La Fayette.
Un petit canal conduit au port lui-même, aujourd'hui dégagé pour les voiliers de plaisance. Il règne une ambiance de vacances le long de ces quais qui connurent autrefois une si grande activité commerciale et militaire. Celle-ci s'est peu à peu ralentie, à cause de la concurrence d'autres ports français d'accès plus facile.
Pourtant, pendant plus de deux siècles et demi, jusqu'en 1927, l'arsenal a construit des centaines et des centaines de bâtiments de guerre : ceux-là même qu'utilisèrent le comte de Frontenac, le marquis de Montcalm ou le marquis de La Fayette pour transporter leurs troupes outre- Atlantique. Le port, lui, était le point de départ et d'aboutissement des échanges militaires entre la France et ses colonies d'Amérique.
Pendant toute cette période, les rapports entre Rochefort et le Canada étaient très étroits. Le jeu de la carrière semblait destiner tout particulièrement les militaires de cette ville à des fonctions dans la colonie canadienne. Ainsi, les intendants François Bigot et Michel Bégon et les gouverneurs Rigaud de Vaudreuil et Taffanel de La Jonquière y firent leurs armes. À l'inverse, François de Beauharnais, d'abord intendant de la Nouvelle-France, et Roland-Michel Barin de La Galissonnière, gouverneur, y finirent leurs brillantes carrières. L'hôtel natal de La Galissonnière (signalé par une plaque) est situé rue Toufaire. Il abrite les bâtiments de l'actuelle préfecture maritime. Bien des rues de Rochefort portent ces noms, souvent plus célèbres au Canada qu'en France. Mais c'est encore dans le quartier militaire que l'on trouvera les souvenirs les plus intéressants. Au bout de l'avenue du Général de Gaulle, place de La Galissonnière, le plus ancien hôtel de la ville, l'hôtel de Cheusses, où vivaient les commandants et les intendants de Rochefort, abrite le Musée de la Marine. Vous y découvrirez d'intéressantes maquettes des navires de haut-bord , semblables à ceux qui transportèrent les troupes du comte de Frontenac et du marquis de Montcalm. Vous y verrez aussi les bustes de Michel Bégon de la Picardière (père de notre intendant canadien), de Robert-Michel Barin de La Galissonnière et de Colbert.
À côté du musée, la magnifique porte Louis XIV de l'arsenal évoque les fastes militaires de ce port en pleine expansion à la fin du xviième siècle. Fait curieux, la ville, d'abord rapidement construite en bois, fut, peu à peu, édifiée en pierre par les soins de l'intendant Bégon père. Celui-ci, en plus de ses talents d'urbaniste, savait aussi traiter galamment les femmes; il offrit à la sienne une fleur qu'il avait rapportée d'Amérique du Sud en lui donnant le nom de « Bégonia ». Son fils, qui portait aussi le prénom deMichel, fut intendant de la Nouvelle-France de 1711 à 1726.
C'est également à Rochefort que les frères Le Moyne, Jospeh Le Moyne de Sérignyet Antoine Le Moyne de Chateauguay finirent leur carrière militaire et maritime en 1734 et en 1747.
A l’église Saint-Louis de Rochefort ont été baptisés, Simon Bourbonnais dit Sans-regrets, marié à Québec en 1748, Pierre Emond qui s'est marié en 1690 à Rivière Ouelle et l'ancêtre des Normandins qui a épousé Louise Hayot à Sorel en 1687. Les familles Gélinas et Mesneau sont elles aussi originaires de Rochefort.
Et si vous rêvez d’exotisme, ne manquez surtout pas de visiter l’étonnante maison natale du célèbre écrivain Pierre Loti (1850-1923) qui fut également officier de marine.
CHARENTE-MARITIME
Royan
Seuls les blockhaus, qui forment aujourd'hui un long chapel et émietté le long d'une côte magnifique et paisible, rappellent les heures tragiques que vécut Royan, dernier bastion allemand sur ce rivage du Sud-Ouest à la fin de la guerre. Libéré au terme de combats sanglants, Royan a une lourde dette envers les alliés canadiens : Les canadiens de la RAF ont en effet joué un grand rôle dans le bombardement des positions allemandes : c’est grâce aux sept dragueurs de mines canadiens qui ont débarrassé la côte royannaise de ses mines que la poche de Royan et les positions allemandes de l’île d’Oléron ont pu être attaquées (notamment par le cuirassé Lorraine et le croiseur Duquesnes) et libérées. Si ce bref résumé vous a intéressé et si vous désirez en savoir plus, le Musée de la poche de Royan, implanté à Le Gua, à 8 kilomètres de Royan retrace en détails les épreuves traversées par la ville.
Depuis la guerre, la ville a été entièrement reconstruite : elle plaît ou elle ne plaît pas, mais la vaste baie de sable blanc exposée au sud et le vieux port où se côtoient plaisanciers et pêcheurs promettent des vacances agréables à qui aime l'ambiance des grandes villes estivales. D'ailleurs, la nature est toute proche dans les petites criques voisines ou le long de la côte océane que bordent des kilomètres de dunes et de forêts.
Nous resterons pourtant au coeur de la ville moderne où nous attend un pèlerinage curieux : parmi tous ces bâtiments neufs, les deux seules constructions qui aient échappé aux bombardements de 1945 sont l'église et le château du petit village de Monts. Autrefois distincts de la ville, ils la surplombaient perchés sur leur colline.
L'avenue Paul Doumer nous conduit à l'emplacement de l'ancien village. Au coin de l'avenue et de la rue de la Providence, sur le mur qui délimite le parc de l'ancien château où est né Pierre Du Gua de Monts qui fonda en 1604 le premier établissement français en Amérique septentrionale: Port-Royal, connu aujourd'hui sous le nom d'Annapolis Royal. Samuel de Champlain, (de Brouage à 40 km de Royan) son jeune compatriote et protégé, fait partie de l'expédition à titre de cartographe. Au cours des années, c'est Pierre Du Gua de Montsqui a soutenu, encouragé et rendu possible la plupart des réalisations de Samuel de Champlain et qui a, comme l'a ditMarc Lescarbot "tracé un chemin à un si grand ouvrage".
Le château où naquit Pierre Du Gua de Monts fut détruit au xviiième siècle et remplacé par une riche demeure (aujourd’hui résidence hôtelière), qui porte cependant toujours le nom de château de Monts. Sur le mur entourant le parc du château de Monts une plaque inaugurée en 1957 rappelle le souvenir de Pierre Du Gua de Monts et le rôle qu'il joua au Canada.
Continuons notre promenade jusqu’à la rue Pierre Dugua et admirons la petite église romane fortifiée de Monts, l’église Saint-Pierre : c’est le plus ancien monument de Royan. Elle rappelle l'époque où le village de Monts se dressait encore sur sa colline au milieu des champs, tel que Pierre Du Gua de Monts a pu le voir.
En Nouvelle-Écosse comme en France, on a tenu à honorer la mémoire du pionnier de l'Acadie. Une stèle a été élevée dans l'ancien site Port-Royal et le gouvernement de la Nouvelle-Ecosse a fait reconstruire son habitation de bois.
À Royan, une stèle a été également érigée en son honneur dans les jardins de l'Hôtel de Ville et une plaque commémorative a été posée en 2002 sur la promenade qui longe les Jardins de la Mer. Les alentours de Royan abritent eux aussi de nombreux souvenirs de Pierre Du Gua de Monts : A quelques kilomètres de Royan, le château de Chatelars fut celui de sa famille. Près de Jonzac, le château de Meux (visitable) vit grandir sa femme. Et si vous allez jusqu’à Pons, faites un petit détour par le château d’Ardenne (privé) où Pierre Du Gua de Mons est décédé. Sa tombe présumée se trouve à proximité du château, de même qu’une stèle à sa mémoire. A Royan même, au sein du Musée, des panneaux sont consacrés à Pierre Du Gua de Monts, ainsi que deux maquettes : l’une représente le Don de Dieu vaisseau sur lequel Du Gua de Monts partit en 1604 pour le Canada, et sur lequel Samuel de Champlain voyagea en 1608 pour aller de France jusqu’à Tadoussac. L’autre maquette représente l’Habitation de Port-Royal. Une exposition entièrement consacrée à Pierre Du Gua de Monts est également conservée dans le Musée.
Le récent jumelage intervenu entre Royan et Annapolis Royal a considérablement renforcé les liens entre les deux communautés qui s'apprêtent à célébrer en 2005 le 400ème anniversaire de la fondation de Port-Royal.
CHARENTE-MARITIME
Saintes
Il faut venir à Saintes en juillet si l'on veut vraiment découvrir le charme discret de cette ville. Les Académies musicales de Saintes, festival de musique ancienne (du Moyen Âge et de la Renaissance) font, durant quinze jours, résonner les vieilles pierres de l’Abbaye aux Dames.
On songe alors à visiter les multiples monuments qui jalonnent la ville, des vestiges de l'époque romaines aux gracieux hôtels du xviiième siècle, en passant par l'Abbaye-aux-Dames et le clocher gothique de la cathédrale Saint-Pierre.
De l'esplanade de l'hôpital, en haut des anciennes fortifications, on découvre toute une ville blonde, rose et verte avec ses toits de tuiles romaines et ses jardins en terrasse.
En contrebas, le long de la Charente, des demeures cossues du xviiième siècle disparaissent à l'ombre des jardins suspendus foisonnant de plantes exotiques. Saintes se découvre lentement : prenez le temps de flâner, ou mieux, de “ bader ”, comme on dit ici.
Réservez surtout un mercredi ou un samedi matin ; vous verrez alors revivre une coutume presque aussi ancienne que la ville : le marché, place Saint-Pierre, qui réunit pour une matinée les maraîchers et les cultivateurs de la région. Les cafés s'emplissent, on crie, on rit, on s'interpelle comme on l'a toujours fait, aux mêmes dates et au même emplacement, depuis le Moyen Âge.
De nombreux colons ont quitté Saintes et ses environs immédiats, attirés sans doute par les ports tout proches et les promesses des recruteurs ; fuyant peut-être aussi, pour bon nombre, les persécutions religieuses. Ils s'appelaient Cousin, Doucet, Pascaud, Rousseau.
Par la Charente, vous pouvez refaire le trajet de vos ancêtres qui gagnaient en bateau La Rochelle ou Rochefort, afin de s'y embarquer pour le Canada. De juillet à septembre, des bateaux-mouches descendent la Charente : excursion insolite, en suivant les courbes d'une rivière très douce, à travers un paysage que le monde moderne a à peine effleuré.
A quelques kilomètres en direction de Rochefort, Saint-Georges-des-Coteaux est la patrie de Jean Carrier qui s'est installé en 1670 à Québec. Non loin des célèbres carrières de Crazannes en suivant le cours de la Charente, les descendants des Bergeron seront émus de découvrir le petit village de Saint-Saturnin d'où sont originaires leurs ancêtres Pierre Bergeron et son fils André qui s'est installé à Lauzon et y a fondé une famille en 1673.
VIENNE
Archigny : La ligne acadienne
Le long de la route qui va d'Archigny à La Puye à travers champs, se succèdent régulièrement plus d’une cinquantaine de maisons identiques : basses et longues. Leur architecture est totalement différente de celle des constructions de la région, traditionnellement hautes et trapues. Quelle est donc l'origine de cet étrange lotissement ?
Retournons sur nos pas au village Les Huit maisons : Le Musée Acadien, ou« ferme-musée » d’Archigny , qui est y installé, à l’intérieur d’une de ces curieuses fermes, nous apporte quelques éclaircissements : les Acadiens expulsés, comme on le sait, à partir de 1755 par les Anglais, finirent, après de multiples tribulations et surtout beaucoup de souffrances, par être rapatriés en France au nombre de trois ou quatre mille. Recueillis dès 1765 dans les ports français qui les hébergent plutôt mal que bien, ils appellent de leurs vœux la fin d'un provisoire qui menace de s'éterniser ! Aussi, Louis XV prend-il des mesures qui ne laissent pas de nous étonner par leur caractère humanitaire et leur volonté évidente de réparation(on s'est beaucoup ému en France du sort tragique des Acadiens).
Il fait d'abord allouer une pension à chacun des réfugiés, puis décide de les établir à ses frais. Un certain nombre est dirigé sur Belle-Ile, alors pratiquement désertée de ses habitants, et l'on convient que les autres seront installés sur un important établissement agricole, créé à cette intention, en Poitou.
Le marquis de Pérusse des Cars, agronome de renom, qui possède, à côté de Poitiers, un domaine couvert de landes, accepte d'y recevoir les Acadiens et d'y organiser leur installation. En peu de temps, les décisions sont prises : cent cinquante familles de dix personnes vont être installées sur ces terres, au préalable défrichées et loties, selon un vaste plan d'ensemble. Chaque famille recevra terre, maison, animaux, matériel agricole en toute propriété, afin d'être bientôt en mesure de subvenir, seule, à ses besoins.
Le projet est d’envergure: selon les plans d’époque, on prévoit que les terres, divisées en parcelles géométriques, seront réparties autour de chaque habitation. Des maisons, qui comprendront chacune une salle principale avec une cheminée, une grange et une étable, seront regroupées en petits hameaux de huit à dix maisons le long de routes au tracé parfaitement rectiligne. Chaque groupe de fermes possèdera son puits, son four et un gros outillage en commun.
En théorie, tout est parfait ! Mais la réalité se révèle plus complexe. Tout d'abord, dès le printemps 1773, alors que les travaux (et ils sont énormes) viennent à peine de commencer, les 1500 Acadiens arrivent à Châtellerault, attendant les logements qu'on leur a promis.
Pour accélérer le travail, l'ingénieux marquis de Pérusse des Cars multiplie les initiatives. Les maisons de pierre à la mode du pays sont trop longues à construire ? Qu'à cela ne tienne : il fait venir de Normandie un ouvrier spécialisé dans la construction en pisé ou « bousillis » (mortier de sable, de terre argileuse et de paille monté par un système de coffrage). Plus rapide et moins coûteuse, cette technique donne pourtant un résultat tout aussi solide, puisque ces petites maisons construites à la hâte il y a deux cents ans sont encore en parfait état. Les jeunes Acadiens n'ont pas l'habitude des travaux agricoles, puisque la plupart d'entre eux n'ont jamais vécu qu'en captivité ? Eh bien ! il crée pour eux une école d'agriculture dans l'une de ses fermes !
Tout cela est mené tambour battant, avec un zèle admirable, maison n'a pas assez compté avec la personnalité des réfugiés: les Acadiens ne sont décidément pas des agriculteurs, ils sont plutôt marins, pêcheurs, éleveurs. Leurs longues souffrances, leur longue captivité les ont rendus méfiants : on leur promet bien des choses, mais que leur donnera-t-on réellement lorsque ce travail épuisant de défrichement sera terminé ? Le mécontentement ne tarde pas à gronder !
Le Conseil du roi, croyant calmer les esprits, propose alors de ne garder sur place que les véritables agriculteurs et de renvoyer les marins vers les ports. Cette manœuvre maladroite est aussitôt considérée comme une expulsion pure et simple. Comble de malchance, la guerre d'Indépendance américaine (1776) réveille chez nombre d'Acadiens le désir de revenir au pays. Un grand mouvement de désertion se fait donc sentir sur la « ligne », où ne resteront, décide finalement le roi, que ceux qui le désirent réellement.
Le beau projet est bien tombé en miettes : on est loin du grand domaine agricole géré scientifiquement. Les agronomes se désintéressent peu à peu de la question. Pourtant, une cinquantaine de maisons ont été construites selon le schéma prévu. En 1785, 1400 Acadiens partent pour Nantes d’où ils embraquent pour la Louisiane.
Quelques douze familles restent et s'installent définitivement sur « la ligne » où elles s'intègrent peu à peu à la population des communes avoisinantes. Mais le souvenir de leur particularisme ne disparaît pas chez leurs descendants: après deux siècles, toujours nombreux dans les maisons de « la ligne », ils accueillent avec chaleur les Acadiens et avec joie leurs cousins : Daigle, Guillot, Boudrot, Landry, Melançon, Brault, Gautreau, Thériot, Doucet, Brunet, Hébert. La route devient alors une sorte de pèlerinage joyeux où l'on essaie de deviner, sous des aménagements plus récents, la forme allongée des petites fermes acadiennes où chaque famille retrouvée livre avec émotion une bribe de son aventure et de son histoire.
Enfin, au coeur de « la ligne », l'abbaye de l'Étoile, bel ensemble du xiième siècle avec sa salle capitulaire et les peintures murales des a chapelle, reste la paroissse des Acadiens. Témoin de leurs rêves et de leurs espoirs déçus, elle est maintenant le symbole de cette longue quête d'eux-mêmes qui les a ramenés à leur pays d'origine.
Aujourd'hui regroupés en une association: « Les cousins acadiens du Poitou », créée en 1980, les descendants des Acadiens de la Nouvelle-France qui s'établirent dans cet endroit du Poitou s'attachent à resserrer les liens entre tous les Acadiens du Nouveau- Brunswick, de Louisiane et de France. Ils facilitent les échanges culturels et artistiques, organisent des voyages à caractère historique et animent le Musée Acadien d’Archigny où sont contés l'histoire des ancêtres, le Grand Dérangement, de la déportation en France des Acadiens de l’Ile Saint Jean et de l’Ile Royale et leur installation sur la Ligne Acadienne. L’Association, qui possède aussi la généalogie de ces descendants d’Acadiens Français, la complète régulièrement et accueille toujours à bras ouverts tous les Acadiens d’outre-atlantique de passage à la Ferme-Musée.
VIENNE
Châtellerault (jumelage avec le comté de Kent sud)
Si l'on tient vraiment à comprendre l'imbroglio des attaches acadiennes en Poitou, il faut longer la Vienne jusqu'à Châtellerault. Surplombant légèrement le fleuve, la vieille ville, en partie piétonnière, nous incite à la promenade. Dès que nous abandonnons le trop bruyant boulevars de Blossac, la rue Saint-Jacques, fière de son église commencée au xième siècle et de ses maisons du xvème siècle, nous entraîne au centre de la vieille cité.
Ici, comme dans tout le Poitou, la lumière dore les calcaires blonds, encore taillés à la mode de Touraine, tandis que toits d’ardoises et toits de tuiles rivalisent gaiement.
Au 14 de la rue de Sully, l’hôtel Sully nous emmène en monde acadien. Cet hôtel particulier du début du xviième siècle, dont il faut remarquer la belle décoration classique, abrite le Musée municipal de Châtellerault. Une salle, consacrée à l’Acadie, retrace les grandes lignes de l’épopée acadienne et les épisodes du séjour acadien en Poitou. Vous y apprendrez comment Louis XV décida d’installer tous les Acadiens rescapés du « Grand Dérangement » sur une vaste exploitation agricole non loin de Châtellerault, comment les quelques mille cinq cent Acadiens arrivés à Châtellerault attendirent de longs mois les terres et les maisons promises. Vous saisirez aussi la déception de ces réfugiés lorsqu’ils comprirent que la législation française ne leur permettrait pas de devenir propriétaires des maisons et des terres pour lesquelles ils travaillaient.
Il est facile d’imaginer la vie des Acadiens à Châtellerault : le décor n’a qu’à peine changé et, pour un peu, on se laisserait prendre au jeu le long des rues animées et commerçantes où résonne l’accent poitevin que les premiers colons acadiens ont importé avec eux Outre-Atlantique.
Au bas de la rue Sully, la Vienne sépare Châtellerault de son faubourg, Châteauneuf. C’est là, près de la rue qui porte aujourd’hui leur nom que furent hébergés les Acadiens. Les maisons de cette époque ont aujourd’hui disparu, mais la vieille église paroissiale, Saint-Jean-l’Evangéliste, veille encore sur le quartier.
De leur faubourg, les Acadiens observent la ville au-delà de la rivière. Quand leur inquiétude est trop grande, ils traversent le pont Henri IV et gagnent le petit château du marquis de Pérusse des Cars, responsable de leur installation.
Ce château, avec ses toits pointus et ses tours élancées, abrite maintenant le musée et la bibliothèque où l'on peut consulter des ouvrages sur la vie des Acadiens à Châtellerault et sur l'influence du marquis de Pérusse des Cars. Du jardin en terrasse ombragé de tilleuls, on a une vue magnifique sur la Vienne et sur les deux tours à la fois massives et gracieuses du pont Henri IV, oeuvre de l'architecte Androuet du Cerceau.
Les Acadiens n'ont pourtant pas parcouru longtemps les rues de Châtellerault : l'arrivée des troupes de Rochambeau, partant soutenir les États américains révoltés aux côtés deLa Fayette en 1776, réveille soudain leur nostalgie. Lorsque les soldats quittent la ville par le boulevard de Blossac spécialement terminées à cette intention, leur contingent se trouve grossi d'un fort bataillon de volontaires acadiens qui regagnent leur continent pour aider leurs cousins de Louisiane à secouer la tutelle anglaise.
A Châtellerault, le souvenir acadien ne s’est pas perdu. Sur les bords de la Vienne, sur le quai Alsace-Lorraine, un monument en mémoire de l’Acadie a été élevé.
VIENNE
Les Ormes
Aux viiième siècle, la famille d'Argenson délaisse ses terres de Touraine et émigre non loin de là, dans la Vienne.
Elle acquiert le beau château des Ormes et s'empresse d'apporter sa marque à l'édifice en faisant construire l'actuelle aile sud. L'aile nord, qui date du xviième siècle, est la plus ancienne. En revanche, le pavillon central, lui, a été reconstruit au début du xxème siècle. Il n'en reste pas moins que ce bel ensemble d'architecture majestueux au bout de sa longue allée boisée, derrière ses hautes grilles, donne une très juste idée de la fortune et de la puissance de cette grande famille de ministres et de gouverneurs de la Nouvelle-France.
Aux Ormes, un musée situé au lieu dit de Falaise, dans le château natal de François et Louis de Gannes de Falaise, raconte l’histoire de ces deux hommes qui furent soldats en Acadie et en Nouvelle-France. Une plaque commémorant la famille Gannes a été posée sur la façade sud-est du château par l’association Falaise-Acadie-Québec.
VIENNE
Loudun
Nous entrons ici en pleine terre acadienne : c'est de cette région que sont partis, sac au dos, la plupart des premiers colons acadiens.
Que nous résistions ou non au plaisir de tomber dans les bras d'éventuels cousins étonnés mais chaleureux, Loudun, dont le père d’Isaac de Razilly fut gouverneur, nous prendra vite au charme des ses vieilles rues qui évoquent tout naturellement l'époque où les colons Dalouxet Delahaye vivaient encore ici.
La massive porte du Martray (xiiième siècle) et la haute tour carrée(XIe siècle) sont les symboles d'un passé guerrier qui valut à cette ville la réputation d'être imprenable avant que Richelieu n'en fit raser le château. Mais le xviième siècle a posé partout son empreinte classique et prospère sur le tracé sinueux de la vieille ville.
Gagnons la rue Renaudot, en haut de la colline : la haute maison de pierre, qui vit naître le fondateur de la première revue française, nous séduit par la blondeur de ses pierres. Théophraste Renaudot, encouragé par Richelieu, fonde en 1631, la Gazette de France. Comme il se doit, les Acadiens sont à l'ordre du jour dans ce premier journal français qui signale et apprécie l'importance de l'émigration poitevine en Acadie. Renaudot consacre ainsi cette fabuleuse aventure que ses collègues de l'information mettront plus de trois siècles à redécouvrir. La tour du baillage mérite quelques instants d’attention. Cette ancienne prison accueillit en 1731 un homme, André Balthazard, emprisonné en tant que faux-saunier, qui partit ensuite en Nouvelle-France.
VIENNE
Martaizé, Aulnay, La Chaussée
Trèstôt, Jean de Biencourt de Poutrincourt, puis Isaac de Razilly, les premiers gouverneurs de l'Acadie, ont tenté de peupler leur territoire.
Les efforts de colonisation de Poutrincourt avaient été réduits à néant par les Anglais en 1629, tandis que ceux de Razilly amenaient surtout des engagés temporaires, mais rarement des familles.
En 1636, Claude de Razilly, qui a pris, de France, la succession de son frère Isaac, envoie à bord du Saint-Jehan, les premières familles qui se fixeront définitivement en Acadie. Le premier enfant né en Acadie est le fils de l'un de ces passagers du Saint-Jehan. Mais ils sont encore en nombre très restreint, puisque le recensement de 1671 ne signale que trois ou quatre familles de cette origine.
La colonisation de l'Acadie en est donc à ses tout débuts, lorsque Charles de Menou d'Aulnay, d'abord lieutenant des Razilly, prend leur succession. Avec lui, nous assistons à un progrès important puisqu'il installe très rapidement une vingtaine de familles françaises à Port-Royal. On s'est longtemps interrogé sur l'origine exacte de ces familles. Les recherches faites par Geneviève Massignon (Les parlers français d’Acadie) ont maintenant apporté la preuve que la plupart de ces colons étaient originaires d'une seigneurie que Charles de Menou d’Aulnay possédait dans la région de Loudun.
On a rapproché les registres paroissiaux des trois villages, Aulnay, Martaizé et La Chaussée, de la liste des tenanciers de Charles de Menou d’Aulnay et des noms de famille relevés enAcadie, lors du recensement de 1671. Il se trouve que plus de vingt-cinq noms de famille sont identiques et que souvent les âges correspondent. Il est donc évident que ce sont les colons de ces petits villages qui ont emporté en Acadie ces patronymes encore aujourd'hui si répandus : Belliveau, Bertrand, Brin, Dupuis, Joffriau, Landry, Morin, Raimbault, Robucheau, Thibodeau et Vincent.
Martaizé : c’est le plus gros des trois villages. De nombreuses fermes, quelques commerces se regroupent en haut du bourg autour de l'église. Les maisons sont construites en pierres longues et plates d'une couleur blond pâle que soulignent à peine les joints couleur sable. Ces moellons grossièrement découpés, ces toits de tuiles patinées sont très nettement d'influence poitevine, mais l'ordonnance régulière des pierres est encore un héritage du Valde Loire, tout proche. Bien des ancêtres acadiens ont vécu dans les rues de ce village. Ils s'appelaient Blanchard, Bourg, Brault, Giroire, Godet, Guérin, Poirier, Terriot.
Un peu plus loin, Aulnay, avec sa petite église de mission mexicaine, dégage une atmosphère assez désolée. Seul le château, qui fut la propriété de Charles de Menou d’Aulnay, second gouverneur de l’Acadie (il succède à Isaac de Razilly) tranche un peu sur la monotonie deslieux. Dans le village, une plaque posée en 1999 par la maison de l’Acadie de La Chaussée commémore le départ vers l’Acadie de migrants guidés par Isaac de Razilly.
Mais laissons derrière nous ce village. La route serpente maintenant gaiement à travers un petit bois primesautier qui mène à La Chaussée. Si elle conserve moins d'anciennes maisons que Martaizé, LaChaussée possède encontre partie la plus charmante et la plus naïve des églises, toute de guingois avec son clocher lanterne usé par les intempéries. Dans cette église, tout invite à imaginer les cérémonies d’autrefois : mariages ou baptêmes qui, nous disent les actes paroissiaux, réunissaient les familles Leblanc, Robichau, Thibodeau, Guion, Lambert, Brault, Brin, ravis de festoyer ensemble. Quelques années plus tard, toutes ces familles parentes ou amies se sont retrouvées en Acadie. Avant leur départ, elles se recueillirent dans la petite église de la Chaussée. Nous savons en effet qu’en 1632 une messe y fut célébrée pour les loudunois s’apprêtant à partir pour l’Acadie.
A l’église a été apposée une plaque en la mémoire d’ Isaac de Razilly, ainsi que de Charles de Menou d’Aulnay et de Martin Le Godelier, qui tous trois ont grandement œuvré pour le recrutement de colons pour l’Acadie. Martin Le Godelier avait une maison à La Chaussée, que l’on peut encore voir aujourd’hui (mais non visiter). Gentilhomme originaire de La Chaussée, il partit en 1642 pour l’Acadie avec son fils et ses fermiers. Il y mourut peu de temps après son arrivée.
Enfin, à La Chaussée, ne manquez pas de visiter la Maison de l’Acadie ! Grâce au musée et à la bibliothèque qu’abrite cette maison, créée en 1984, vous pourrez découvrir en détails les liens unissant la région de Loudun et le Canada francophone !
VIENNE
Monthoiron
À Monthoiron, on est tout surpris par l'ordre des choses : ici, la ville est en haut, autour de l’église, et le château fort en bas, au creux de la vallée ! Mais ce système de défense, en d'autres temps, a fait ses preuves; et les ruines de cette forteresse en contrebas ne sont plus que la pauvre démonstration d'un art militaire consommé.
Le jeune seigneur de Monthoiron, le marquis de Pérusse des Cars, connaissait à coup sûr toutes les ficelles de cette stratégie. Mais la carrière militaire qu'il avait entreprise fut brutalement interrompue par une blessure reçue pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763). Nous le retrouvons par la suite se livrant à d'autres expériences. À Monthoiron, il y a de quoi s'occuper ! Du château familial, dont subsiste seulement une tour circulaire datant de la Renaissance), une grande fermerappellelegoûtdu marquis de Pérusse des Carspour les exploitations modèles. Intérêt innocent, qui vapourtant lui causerbien des soucis. Ancien élève des plus grandagronomesdesontemps, saréputationparvientaux oreillesdeLouis XV . Sachant que le marquis de Pérusse des Cars désire mettre en valeur des étendues couvertes de brandes qu'il possède entre MonthoironetLa Puye, le roi lui propose d'yinstallerles Acadiens, victimes du “Grand Dérangement”. Pérusse des Cars conçoit donc tout un plan d'installation et d'exploitation systématique, avec tracé de routes à angles droits, parcelles géométriques et groupements de maisons en hameaux, autour des puits et des fours communs. Ces mesures, visant à une réinsertion rapide des Acadiens dans la vie sociale de la France, sont parmi les plus novatrices qui aient été tentées pour venir en aide à des réfugiés.
À la base, le projet est particulièrement original, puisqu'il s'appuie sur le principe d'une exploitation agricole où les travaux sont, en partie, communautaires. Chaque famille restepourtantindépendante et doit devenir, parlasuite, propriétaire de ses terres et de sa maison. À une époque où les paysans possédaient rarement les terres qu'ils exploitaient, ce projet, mêmes'il s'avérait difficile à mettreenpratique, n'en était pas moins, dans sa conception, révolutionnaire.
VIENNE
Poitiers
Poitiers, capitale de l'art roman, est aussi une frontière entre le nord et le sud de la France. Située sur une voie de passage utilisée depuis des millénaires, Poitiers a subi tour à tour les différentes influences des civilisations qui sont venues s'y heurter aux grands rendez-vous de l'Histoire.
Aprèsles Romains qui s'y imposent, les Francs repoussent lesWisigoths venus d'Espagne. En 732, les chrétiens, sous les ordres de Charles Martel, y tiennent les musulmans en échec. Plus tard, Français et Anglais s'y livrent un combat décisif pour la possession du royaume d'Aquitaine. Enfin, protestants et catholiques s'y entretuent, ruinant la ville qui sera longue à se remettre.
Poitiers a pourtant profité de tous ces passages, car chaque envahisseur y a laissé une trace originale. De l'art gallo-romain, dont le baptistère Saint-Jean est un rare et bel exemple, le génie particulier des Poitevins a tiré les bases d'un art nouveau dont les formes douces jouent avec la luminosité de l'air. Suivons un instant ces reflets irisés qui caressent les tuiles roses et bombées des toits, illuminent le bestiaire des chapiteaux des églises, arrondissent les angles et les arcs de cet héritage romain revivifié que l'on appelle « roman ».
Des musulmans intrépides et des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle qui s'arrêtent ici en revenant d'Espagne, la ville acquiert un certain penchant pour l'Orient, qui se retrouve dans la forme tourmentée des monstres levantins aux façades des églises et dans cette horreur du vide qui pousse les artistes à sculpter chaque chapiteau, chaque claveau. Les Anglais, enfin, y introduisent le goût des légendes et des voyages qui incitera plus d'un Poitevin à tenter l'aventure sur l'océan tout proche. Ainsi les ancêtres des Babin, Blanchard, Bilodeau, Chartier, Frégault, Forget, Girardin, Gobeil, Jodoin, Legault, Masson, Pasquier, Prieur dit Lafleurse sont-ils embarqués pour le Canada.
Découvrons les merveilles qu'ils ont laissées derrière eux : La collégiale Sainte-Radegonde où furent baptisés Etienne et Jean Charet, la cathédrale Saint-Pierre et surtout Notre-Dame-la-Grande, merveille de l'art roman des xiième et xiiième siècles, où fut baptisé le jeune Girardin. Le sentiment de parfaite harmonie qui se dégage de cette magnifique église, nous le retrouverons tout au long de notre voyage en Poitou-Charente, renaissant dans chaque église de chaque petit village, comme une inlassable leçon de bonheur. Ainsi en est-il de deux petits villages sur la route de Parthenay, Cissé, patrie de René Dubois qui s'est marié en 1684 à Québec et Maillé d'où sont partis Léonard de Montreau dit Francoeur et Jacques Martineau respectivement mariés à Montréal en 1668 et à Québec en 1669.
VIENNE
Roiffé : le château des Eaux-Melles
Au nord de Loudun, Roiffé abrite un remarquable édifice du xvième siècle, le château des Eaux-Melles. Le chemin qui monte vers le château (c’est une propriété privée, non visitable), nous éloigne très vite de la grande route et de son agitation. Un vieux mur moussu sous les ombrages invite à la rêverie : le château, nous dit-on, s'appelait autrefois Oiseauxmelles du nom de la jeune femme qui, au xiiième siècle, l'apporta en dot à un seigneur de Razilly. Cenom charmant et champêtre résumebien l’atmosphère des lieux.
Isaac de Razilly est né en 1587 dans ce bâtiment en forme de L qui nous accueille avec simplicité. Du buis, des sapins d'un côté, un joli potager de l'autre, ont complètement apprivoisé cette ancienne demeure. Pourtant, les traces d'un passé plus brillant sont encore présentes un peu partout : dans la façade sur cour, où subsistent, gracieux et modestes, des vestiges de la Renaissance italienne, dans le charme des hautes fenêtres gothiques, dans le fronton classique du portail.
Isaac sait-il qu'il ne reverra plus son agréable demeure lorsqu'il quitte la France en 1632, nommé gouverneur de l’Acadie par Richelieu ? Peu importe, son destin se joue maintenant de l’autre côté de l’Atlantique, en Acadie! Il a accepté de reprendre en main la petite colonie démembrée par les Anglais et restituée par le traité deSaint-Germain-en-Laye. Il emmène avec lui un contingent de colons du Poitou. Son enthousiasme fait des miracles : La Hève sort de terre ; à Port-Royal, la vie et le commerce reprennent, les derniers Anglais s'éclipsent. Mais Isaac de Razilly meurt en décembre 1635, avant de voir arriver en Acadie les familles qu'il désirait tant y conduire.